Les vrais hommes mangent des pommes
 

Pourquoi les personnes âgées se brisent-elles si fréquemment le col du fémur ? Pourquoi tant de femmes souffrent-elles d’ostéoporose ? Parce qu’elles sont déminéralisées et souffrent d’un déficit osseux dû à un manque de calcium. Comment lutter contre la déminéralisation et la fragilisation des os ? Par un régime alimentaire ? Le calcium est le constituant principal des os et les nutritionnistes ont étudié les apports directs de calcium par les produits laitiers, mais, jusqu’à présent, aucun rôle majeur n’a été attribué aux fruits et légumes, probablement en raison de leurs teneurs plus modestes et d’une biodisponibilité moindre du calcium.

À la Station INRA de Theix, M.-N.Horcajada, V.Coxam et C. Rémésy ont montré l’effet des fruits et des légumes sur l’acidité du sang : leur effet alcalinisant s’ajoute à celui des fibres (cellulose, par exemple) utiles préventivement contre divers cancers digestifs. Comme nous le verrons, la consommation de fruits et légumes déplace les équilibres chimiques dans l’organisme dans un sens favorable à une moindre perte de calcium.

Les protéines de la viande ont un effet défavorable. Même si la consommation de viande diminue régulièrement depuis un siècle (la désaffection due à la crise de la vache folle n’a été qu’un creux temporaire dans une tendance régulière), l’alimentation occidentale reste trop riche en protéines animales. Or ces dernières acidifient le sang, par leurs acides aminés soufrés, la cystéine et la méthionine : dans le sang, une partie de ces acides aminés est dégradée, la réaction augmentant la concentration en ions sulfate acidifiants.

Les os du squelette limitent cette acidification en libérant des ions calcium (et, en moindre proportion, des ions magnésium), mais, ce faisant, ils se fragilisent : d’où le danger des protéines animales. De combien de calcium l’organisme dispose-t-il, grâce à l’ensemble du squelette ? La marge de manœuvre de l’organisme est faible : si l’on double la consommation de protéines (la quantité recommandée est d’un gramme par jour et par kilogramme de masse corporelle), la perte de calcium est de 1,75 milligramme par jour, soit 365 grammes en 20 ans ; or le squelette contient en moyenne environ 800 grammes de calcium (la quantité de calcium est moindre chez les femmes que chez les hommes).

Heureusement l’alimentation apporte du calcium qui reconstitue les réserves. Un palliatif d’un autre ordre consisterait à limiter l’acidification, c’est-à-dire à enrichir l’ alimentation en éléments basiques : or les fruits et légumes contiennent des sels organiques de potassium (le citrate ou le malate) et ces sels organiques sont transformés en bicarbonates, lesquels alcalinisent le sang. Cette possibilité est-elle utilisable ?

Plus de potassium, moins de sodium

En 1999, V. Coxam et ses collègues ont étudié les effets du potassium, sous forme de citrates ou de chlorures, et ils ont comparé ces effets à ceux du sodium, sous les mêmes deux formes. Associé aux protéines, le sodium a un effet néfaste sur l’os, car il stimule l’élimination urinaire de calcium, et sa présence est souvent associée à de fortes concentrations en ions chlorure, qui acidifient le sang et accroissent la déminéralisation.

Ces effets ont été étudiés chez des rates alimentées pendant 21 jours selon trois régimes différents : dans un premier régime, le rapport potassium / sodium était élevé (14), comme dans les fruits et légumes, dans un second régime, le rapport potassium / sodium était faible (2), comme dans les viandes, et dans le troisième, le potassium et le sodium étaient sous la forme d’ions citrate ou d’ions chlorure. Chaque jour, les physiologistes ont mesuré la concentration en calcium (perdu) dans les urines.

Les résultats sont probants : la perte de calcium est maximale pour le régime à forte concentration en sodium, sous la forme de chlorures, et il est minimal pour le potassium abondant sous la forme de citrate.

Les effets du dernier régime sur l’acidité des urines ont conforté les idées théoriques. Une seconde série d’expériences a testé les effets à long terme du citrate de potassium, d’une part, chez des rates ovariectomisées, en état de carence oestrogénique comme chez la femme ménopausée et, d’autre part, chez des animaux qui ont un métabolisme hormonal et osseux normal. Cette seconde étude, qui a duré 90 jours, confirme les premiers résultats : les mesures de densité minérale indiquent que le potassium, sous la forme de citrate, réduit la perte de calcium des os ; l’effet est identique chez les deux groupes d’animaux.

Au total, la nature de l’anion, citrate ou chlorure, est plus importante sur la perte de calcium, que celle du cation, potassium ou sodium : le citrate est meilleur et le potassium plus favorable. Les végétaux ne contenant pas, ou très peu de sodium, leurs effets sur la concentration en calcium dans les urines dépendent donc de leur richesse en acides organiques, citrates et malates de potassium. Peu caloriques, les fruits et les légumes apportent le potassium qui rétablit le rapport potassium / sodium sans imposer de restriction sodique trop sévère.

La question se pose : puisque nos os sont mieux préservés si nous consommons davantage de fruits et de légumes, comment devronsnous les cuire ? À côté de la classique cuisson à l’anglaise, qui leur fait perdre du goût, ou de la cuisson à la vapeur, qui se limite à un attendrissage (souvent nécessaire), trouvera-t-on des méthodes de cuisson qui donneront des goûts puissants aux légumes ?

Un régime n’est accepté que si les aliments préconisés sont goûteux. La balle est dans le camp des cuisiniers.

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