L'épuisement professionnel des enseignants en Grèce
 
L'épuisement professionnel est un syndrome lié au travail qui découle de la perception par une personne d'une incohérence entre les efforts fournis et les récompenses qu'elle reçoit (Friedman 1995). On observe l'épuisement professionnel principalement chez les personnes qui interagissent directement avec d'autres personnes, comme les enseignants ou les médecins. Cet état est caractérisé par un épuisement affectif et physique, ainsi que par plusieurs symptômes psychologiques comme la nervosité, l'anxiété, la dépression et une faible estime de soi (Farber 1991). Il faut souligner que l'épuisement professionnel vécu par les enseignants constitue un processus et non une simple constatation, de sorte que chaque individu tente de s'en sortir à sa manière (Farber 1983). L'épuisement professionnel provoque généralement une diminution du bien-être et une incapacité à fonctionner correctement dans la vie quotidienne (Burke et Greenglass 1995).
D'après Leiter et Maslach (1998), l'épuisement professionnel se traduit par:
- un épuisement affectif, qui reflète habituellement un état de carence affective et présente souvent un caractère physique comme la perte d'énergie
- une dépersonnalisation, qu'on peut définir comme du cynisme, un manque d'idéalisme et des attitudes négatives ou inappropriées envers les autres; et
- une diminution de l'accomplissement de soi, qui coïncide habituellement avec une baisse de l'efficacité, de la productivité ou de la capacité professionnelle, un mauvais moral et une incapacité à répondre aux exigences de son travail
En conséquence de cette définition, il est possible que les enseignants vivant un épisode d'épuisement professionnel soient plus négatifs relativement au comportement de leurs élèves.
La profession d'enseignant est extrêmement exigeante, ce qui se traduit par un nombre élevé d'enseignants qui vivent un épisode d'épuisement professionnel (Evers, Brouwers et Tomic 2002) et ne peuvent donc pas fournir un rendement adéquat au travail. Plusieurs études relatives à ce sujet ont montré que beaucoup d'enseignants ont vécu des sentiments d'épuisement professionnel au cours de leur carrière (Burke et coll. 1995; Friedman 1996; Schaufeli, Daamen et Van Mierlo 1994). La question de l'épuisement professionnel des enseignants est devenue un enjeu important aux États-Unis, car on estime que de 15 à 20 % des enseignants vivront une forme ou une autre d'épuisement professionnel au cours de leur carrière (Farber 1991). Des conclusions semblables ont également été signalées dans d'autres pays (par exemple, Evers et coll. 2002).
En Grèce toutefois, la recherche sur l'épuisement professionnel des enseignants demeure très limitée. Koustelios et Kousteliou (1998) ont étudié un groupe de 100 enseignants des niveaux primaire et secondaire, qui exprimaient de la satisfaction dans leur travail, mais de l'insatisfaction au sujet de leur salaire et de leurs perspectives de carrière. Leontari, Kiridis et Gialamas (1996) ont interrogé 370 enseignants et ont observé que 25 % n'étaient pas du tout satisfaits de leur travail, alors que seulement 13 % étaient satisfaits. Enfin, Kantas et Vassilaki (1997), qui ont étudié un groupe d'enseignants presque deux fois plus nombreux, ont conclu que les enseignants grecs vivent moins d'épuisement professionnel que leurs collègues d'autres pays européens. Les différences de résultats par rapport aux autres pays peuvent s'expliquer du fait que les enseignants grecs travaillent moins d'heures au primaire, qu'ils ne sont pas officiellement évalués, qu'ils ont un emploi permanent à vie, alors que le programme qu'ils doivent enseigner est en grande partie déterminé par le Ministère de l'Éducation nationale et des Cultes. On doit aussi souligner que toutes les recherches effectuées en Grèce datent de plus de 10 ans et qu'il est fort probable que la situation ait évolué depuis. Il serait donc intéressant de déterminer à quel point les enseignants grecs vivent de l'épuisement professionnel de nos jours.
Une étude récente menée en Grèce auprès de 384 enseignants du primaire (Avramidis et Kalyva 2007) a conclu que les enseignants de sexe masculin qui sont épuisés manifestent plus d'attitudes négatives envers les comportements déplacés de leurs élèves. Cette conclusion a son importance, étant donné que les observations et les estimations des enseignants sont considérées très sérieusement lorsqu'un élève présentant un trouble de comportement est dirigé vers des services éducatifs spécialisés pour une évaluation (Prawat 1992). Kokkinos et coll. (2005) ont aussi établi que les enseignants vivant de l'épuisement professionnel perçoivent de façon plus négative le comportement déplacé de leurs élèves. Cette dernière étude n'a pas trouvé de différence en relation avec les années d'expérience en enseignement, contrairement à l'étude citée auparavant. De plus, les enseignantes de sexe féminin sont plus susceptibles d'adopter une attitude positive relativement aux comportements déplacés de leurs élèves parce qu'elles sont traditionnellement chargées d'élever les enfants dans la société grecque et seraient ainsi plus tolérantes ou habituées à de tels comportements (Kataki 1998). En conséquence, la mise en place d'un environnement de travail sain et agréable semble un préalable à l'amélioration du rendement des enseignants et devrait donc faire partie de toute politique ou réforme de l'éducation.
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