De l’intégrase comme nouvelle cible
 
Les premiers traitements contre le VIH étaient des inhibiteurs de la transcriptase inverse. Puis, en 1994, ils ont été associés aux antiprotéases nouvellement mises au point. Cependant, le VIH mute rapidement et l’efficacité de ces médicaments diminue régulièrement. De nouvelles pistes sont indispensables : l’intégrase est 1’une d’elles. Il s’agit d’une enzyme virale essentielle à la multiplication du VIH. Elle insère l’ADN viral dans le génome de la cellule cible. Le génome viral ainsi inséré, nommé provirus, fait partie intégrante du génome cellulaire, les gènes viraux s’exprimant de la même façon que ceux de la cellule. On perçoit immédiatement le danger de ce processus qui est une étape incontournable du cycle viral et conduit à faire du virus un constituant permanent de la cellule infectée. L’intégrase est donc une cible virale particulièrement pertinente pour de nouveaux anti-VIH, mais ceux-ci ne sont pas encore sortis des laboratoires.
Les recherches sont néanmoins actives et l’on connaît précisément les mécanismes moléculaires de l’insertion du génome viral et la structure tridimensionnelle de l’enzyme. L’intégrase se fixe aux extrémités de l’ADN viral fabriqué à partir de l’ARN viral, puis, découpe deux nucléotides sur chaque extrémité de l’un des brins de l’ADN viral et enfin, insère l’ADN au hasard dans le génome cellulaire. Ces connaissances nous ont permis de concevoir, en collaboration avec une équipe de chimistes, de nouveaux composés, telles les styrylquinolines. Ces composés organiques polycycliques se fixent spécifiquement sur le site actif de l’enzyme : ils neutralisent probablement plusieurs processus catalytiques de l’intégrase et inhibent les deux étapes de l’intégration du génome viral. Plusieurs éléments font des styrylquinolines de bons candidats à l’élaboration de nouveaux antiviraux. Les composés de cette famille sont bien tolérés par l’organisme et n’ont pas de toxicité sur les cellules en culture. De surcroît, la synthèse de ces molécules est simple et peu coûteuse. Elles sont aujourd’hui testées à l’Hôpital Bichat sur des souches du VIH résistant aux autres antiviraux et franchiront sans doute les étapes suivantes des tests cliniques dans un avenir proche. Par ailleurs, fondés sur les données issues de la modélisation informatique, de nouveaux dérivés des styrylquinolines sont en cours de synthèse et devraient rapidement agrandir la panoplie des anti-intégrases.
Sida -